Le baroque de Bohême
Édité par Alain Navarra
La Bohême est un des pays du croissant baroque. Ce style a laissé un nombre impressionnant de chefs-d’œuvre dans tous les domaines de la création. Se développant sur les bases établies à l’époque gothique, qu’il avait retrouvées par delà les siècles, il se répandit jusqu’aux endroits les plus écartés et marqua de son cachet le paysage.
Dès l’époque de Rodolphe II, celle du maniérisme, la Bohême se montra particulièrement réceptive aux courants culturels qui parcouraient l’Europe. La cour de Prague rassembla alors des artistes venus de tous les pays et, bientôt, la Bohême allait élaborer à son usage un style d’une grande originalité de composition, de contenu et d’expression. L’art du baroque se développa en Bohême dans des circonstances tragiques car le pays, alors, était déchiré par des antagonismes politiques, économiques, sociaux et spirituels. Les luttes du temps se retrouvent dans leur manière contrastée de voir ainsi que dans la gradation d’effets de leurs œuvres. L’influence du baroque se retrouvera dans l’art du XXe siècle, chez Kupka par exemple, à l’époque de l’Art Nouveau. De même, la sculpture baroque influera sur l’œuvre de Jan Stursa.
Le baroque de Bohême démontre combien il est le début de l’âge moderne, soulignant le décalage entre le naturalisme et la spiritualité, entre l’ascèse de l’absolu et la sensualité vivante du relatif dans l’âme de l’homme moderne.
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La nature Morte
Comment pénétrer un peu plus dans l'objet de ce monde, en restant à fleur de surface, celle d'une toile ?
Deux citrons épluchés, la spirale d'écorce sortant du verre, un plat d'argent et un couteau fiché, une lumière libérée de toute attache fictionnelle, elle mesure de pures qualités : le vide, le plein, la transparence, c’est-à-dire des degrés de pénétrabilité. Voici une nature morte du XVIIe siècle hollandais.
TERMINOLOGIE
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La Nature morte hollandaise, ou l'histoire d'une philosophie de la substance. Mais est-ce simplement une peinture libérée de la fonction "fabulaire" de la peinture?
Le terme de nature morte n'apparaît pas avant 1650 dans les inventaires hollandais, on rencontre alors d'autres terminologies : "tableau de banquet, déjeuner". Le terme hollandais de "stilleven", signifie nature immobile, modèle inanimé. Le terme de nature morte n'apparaît en France que vers 1675, mais le terme est si "nouveau " qu'au XVIIIe siècle encore, on lui préfère "choses inanimées".
Le XVIIe siècle a vu la hiérarchie des genres en peinture se mettre en place, sous l'impulsion de l'Académie parisienne de Charles Lebrun, et la
nature morte occupe le rang le plus inférieur, ne correspondant pas aux critères "d'honorabilité" de l'étiquette absolutiste. Et ce n'est pas un hasard si ce canon normatif des genres picturaux fût défini au moment où on assiste à la dissolution de la société féodale et de la mise en place des états modernes. Le
baroque ou une tentative désespérée des anciennes élites sociales d'endiguer le nouveau dynamisme social (cf. Victor Tapie). La peinture enregistrera cette rationalisation de la forme traditionnelle de domination.
LA NATURE-MORTE DÉCRIÉE ET APPRÉCIÉE A LA FOIS
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La nature morte, décriée, sera néanmoins dès ses débuts fortement appréciée par les acheteurs, une œuvre de Bosschaerts atteignit mille florins, une
œuvre de Jacques de Gheyn, 600 florins, un portrait valait alors dans les 60 florins. (Norbert Schneider : les natures mortes).
Mais en ce XVIIe siècle, le genre nature mort va permettre aux peintres de développer un intérêt particulier pour la méthode artistique pure : s'intéresser au près, au loin, aux équilibres, aux rapports, bref de permettre un autre avenir aux formes.
La Hollande n'est-elle pas en ce temps particulièrement intéressée aux sciences de l'optique, et son "naturalisme" ne peut-il pas être considéré comme la suite logique du nominalisme médiéval ?
Mais vider totalement les natures mortes de leur dimension symbolique, du moins dans la première partie du XVIIe siècle serait une erreur, elles se
Révèle être aussi des supports à des réflexions morales, ou à des enseignements. Double fonction de l'œuvre, plaisir et utilité.
L'exposition, offre de multiples lectures de ces toiles : indicateur de nouveaux rapports sociaux ou économiques, visualisation de cet Occident "désenchanté" dont parlait Max Weber, ou bien encore, elles vous entraîneront au-delà de leur simple sens littéral, dans le monde du symbolique ou de l'allégorique.
Avant que l'exposition parte pour Washington, allons goûter l'œuvre d'un peintre qui rendra avec toute la poésie du monde, la transparence d'un Roehmer, le manche d'agate polie d'un couteau et toute la poésie magique de la lumière sur un plat d'argent.
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La nature Morte
Bibliographie
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Charles Sterling, La nature morte de l'antiquité à nos jours
Norbert Schneider, Les natures mortes
Michel Faré, Le Grand Siècle de la nature morte en France. Le 17ème siècle
Catalogues d'exposition
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La nature morte de Bruegel à Soutine. Bordeaux 1978
Die Sprache der Bilder. Realität und Bedeutung in der Niederländischen Malerei des 17 Jahrhunderts. Braunschweig